- CANTILÈNE
- CANTILÈNECANTILÈNELittéralement, «complainte lyrique». Cette forme élémentaire de chant profane monodique, sorte d’hymne en langue romane, à caractère lyrique ou épique, en se développant jusqu’au Xe siècle aurait donné naissance à la chanson de geste (théorie de Gaston Paris, rejetée par Joseph Bédier, mais reprise récemment avec modifications par Jacques Chailley). L’improvisation y a tenu sans doute beaucoup de place, associée à un accompagnement succinct (rotta, vielle, chiffonie, lyre à trois, quatre ou cinq cordes). La Cantilène de saint Faron (620), la Cantilène (ou Séquence ) de sainte Eulalie (880), le Poème Poème de la Passion , la Chanson de sainte Foy , la Vie de saint Léger (fin XIe s.), la Vie de saint Alexis (XIe s.) sont des séquences latines adaptées en poésie romane. Écrites en neumes sans lignes, il est difficile de les déchiffrer. Le concile de Tours (812), qui décida de «transposer les homélies en langue romane rustique», est partiellement responsable de ce mouvement de francisation qui affecta la musique et la littérature. Par la suite apparaîtront la chanson et le vers des poètes occitans, le «drame des prophètes» et le «sponsus». On appela aussi cantilènes plusieurs œuvres de musique vocale profane (ballade, rondel, etc.). Les Cantilènes d’amour d’Abélard, tenu par certains pour le premier trouvère, sont aujourd’hui perdues (à l’exception de six complaintes — planctus); elles ont connu une grande célébrité. On a parlé de cantilènes gallicanes; on parle aussi de cantilène sacrée pour désigner le plain-chant latin. Enfin, il est courant d’appeler cantilène toute mélodie vocale ou instrumentale de caractère lyrique.• 1512; it. cantilena, mot lat. « chanson »1 ♦ Mus. Vx Chant profane d'un genre simple. ⇒ chanson.♢ Cour. Chant monotone, mélancolique.2 ♦ Littér. Texte lyrique et épique relativement bref. ⇒ complainte. La cantilène de sainte Eulalie est le plus ancien poème en langue française (v. 880).cantilènen. f.d1./d Mélodie douce et mélancolique.d2./d LITTER Récit lyrique et épique médiéval d'un événement malheureux. La Cantilène de sainte Eulalie (premier poème en français, v. 880).⇒CANTILÈNE, subst. fém.A.— Vieilli. Chant parfois opposé comme chant profane au motet, chant religieux. Cette cantilène liturgique du Moyen-Âge se présente à nous sous une foule d'aspects différents (V. D'INDY, Cours de compos. musicale, t. 1, 1897-1900, p. 66) :• 1. La Cantilène accompagnée [qu'on improvise à l'orgue] est assez semblable au Choral orné. Elle est basée habituellement sur une pièce à vocalises, Graduel ou Alleluia. La mélodie médiévale est employée d'un bout à l'autre et entièrement respectée dans sa forme mélodique et rythmique ainsi que dans ses césures.M. DUPRÉ, Traité d'improvisation à l'orgue, 1925, p. 135.— LITT. MÉDIÉV. Poème lyrico-épique, de forme relativement brève, destiné à la psalmodie publique. La cantilène de Sainte-Eulalie; cantilène guerrière, historique, religieuse.B.— Poème de forme brève, d'inspiration lyrique et aux harmonies douces :• 2. « Ô pluies! Lavez au cœur de l'homme les plus beaux dits de l'homme : les plus belles sentences, les plus belles séquences; les phrases les mieux faites, les pages les mieux nées. Lavez, lavez, au cœur des hommes, leur goût de cantilènes, d'élégies; leur goût de vilanelles et de rondeaux; leurs grands bonheurs d'expression; ... »SAINT-JOHN PERSE, Exil, Pluies, 1942, p. 256.— P. ext. Romance simple et monotone, du ton de la complainte :• 3. Cet orphelin ne pleurait pas; il chantait une complainte, sans doute quelque cantilène rituelle.BARRÈS, Une Enquête aux pays du Levant, t. 2, 1923, p. 47.— P. méton. Mélodie apparentée à celle de la cantilène :• 4. Les notes mêmes sur lesquelles s'élève avec une douceur grandissante la voix du vieux roi d'Allemonde [dans Pelléas] (...) étaient celles qui servaient au marchand d'escargots pour reprendre, en une cantilène indéfinie : « On les vend six sous la douzaine... »PROUST, La Prisonnière, 1922, p. 118.Rem. On rencontre ds la docum. le verbe trans. cantiléner. Chanter doucement et de manière continue un air monotone. [Les deux Bohémiennes], d'une voix susurrante (...) se mettaient à cantiléner d'interminables complaintes de marche (J. RICHEPIN, Truandailles, 1891, p. 23).Prononc. et Orth. :[
]. Ds Ac. 1878 et 1932. Étymol. et Hist. 1. Apr. 1477 « chant profane lyrique ou épique (p. oppos. au motet chant sacré) » (MOLINET, Faictz et Dictz, éd. N. Dupire, t. 1, p. 89); 2. 1817 « chanson, romance » contexte ital. (de Rossini) (STENDHAL, Rome, Naples et Florence, t. 1, p. 80). Empr. au lat. class. cantilena « petit chant, refrain, air rebattu » et « chant, chanson », peut-être avec infl. de l'ital. cantilena (HOPE, p. 173) attesté ds BATT. au sens de « chant, psalmodie » dep. le XIVe s. (DANTE), au sens de « mélodie, mélodie monotone » dep. le XVe s. (Marsilio Ficino). Fréq. abs. littér. : 60. Bbg. HOPE 1971, p. 173. — SAR. 1920, p. 15. — WIND 1928, p. 118, 119, 195.
cantilène [kɑ̃tilɛn] n. f.ÉTYM. Après 1477; p.-ê. ital. cantilena; lat. cantilena « petit chant, refrain ».❖1 Mus. (vx). Chant profane, d'un genre simple.2 Littér. Texte lyrique et épique, de forme relativement brève. || La cantilène (ou « séquence ») de sainte Eulalie (v. 880) est le plus ancien poème en langue française.♦ Poème de forme brève, d'inspiration lyrique, aux harmonies douces.3 (1817). Cour. Chant monotone, mélancolique. ⇒ Complainte, romance.♦ Mus. Mélodie de caractère populaire et rêveur (dans une composition instrumentale).0 (…) l'adagio (de la 2e Symphonie), cantilène simple et naïve, qui vous berce mollement et finit par produire l'attendrissement le plus profond (…)Berlioz, Beethoven, p. 75.
Encyclopédie Universelle. 2012.